Pâte à pizza romana

Comme son nom l’indique, c’est à Rome qu’a été inventée la pizza romana, cuite dans un grand plat rectangulaire (teglia) puis coupée en parts individuelles. Son développement a été fulgurant car c’est l’archétype de la « street food » pas chère et facile à emporter. A la différence de sa consœur napolitaine cuite au feu de bois, elle est un peu plus épaisse et cuite généralement dans un four électrique. Une sorte de version intermédiaire entre la pizza traditionnelle et la focaccia. Cette recette (de Barbara Frangi) utilise la gélatinisation d’une partie de la farine à l’eau bouillante : cela donne une meilleure élasticité à la pâte et permet une plus grande absorption d’eau (pâte hydratée à 80%). J’ai déjà utilisé cette astuce pour les crêpes feuilletées et les galettes moelleuses du roi Arthur. Bien que le phénomène physique soit le même, il ne s’agit pas d’un roux, ou « tang zhong », car les proportions sont ici différentes (il y a autant d’eau que de farine). Il faut utiliser une farine « de force » (W>300 ou au moins 13% de gluten, voir ici) pour supporter l’absorption d’une grande quantité d’eau et le long temps de pointage au froid. J’ai fait quelques essais avec une farine type 0 « Manitoba » de Molino Spadoni (13,5% de gluten) qui fonctionne bien, mais j’ai finalement opté pour une farine de meule « Petra 1 » de Molino Quaglia. On la trouve chez You Dream Italy, directement ou via Amazon. Cette farine, additionnée d’un long temps de repos au froid donne une pâte à pizza particulièrement savoureuse. La principale difficulté de cette réalisation vient du mélange entre la pâte gélatinisée et le reste de la pâte : il m’a fallu m’y reprendre à plusieurs fois en variant le procédé pour obtenir le résultat escompté.

Ingrédients, pour 1350 g de pâte, soit 2 pizzas « al taglio »:

750 g de farine de type 1 « Petra 1 » de Molino Quaglia, 14% de gluten

600 g d’eau

18 g d’huile d’olive extra vierge

3 g de levure sèche instantanée ou 7 g de levure fraîche ou 150 g de levain liquide rafraîchi

15 g de sel fin

Cette pâte se commence au moins 24 heures avant de consommer la pizza qui l’utilisera. L’idéal est de commencer la pâte gélatinisée la veille vers 7:00, puis de faire la pâte elle-même vers 10:30 pour une mise au froid vers 13:00. Le lendemain, on sortira la pâte vers 8:00 pour la suite de la recette, c’est-à-dire division, préformage, détente (3 à 4 heures), façonnage, garnissage et cuisson, soit une pizza prête vers 12:30.

Dans une casserole, porter à ébullition 150 gr d’eau de la recette. Ne pas la laisser s’évaporer car on veut les 150 g précisément.

Dans le bol du robot équipé de la feuille, ajouter 150 grammes de farine de la recette. Mettre le robot en marche sur vitesse 1. Verser l’eau bouillante d’un coup sur la farine et mélanger pendant 1 minute 30 jusqu’à absorber toute l’eau et qu’il n’y ait plus de farine visible. Retirer la pâte formée (c’est encore un peu chaud, aux alentours de 45°C) et pétrir à la main 1 minute jusqu’à obtenir une pâte bien lisse et homogène. Filmer au contact et laisser refroidir 3 à 4 heures, jusqu’à ce que la pâte soit revenue à température ambiante (j’ai laissé 3 heures, pour une pâte revenue à 28°C avec une température ambiante de 24°C).

Note : en mélangeant de la farine et de l’eau bouillante, on a fabriqué un empois d’amidon qui servait autrefois de colle. Pour nettoyer les instruments qui ont été en contact avec cet empois, inutile de s’escrimer à frotter : il suffit de les laisser tremper une quinzaine de minutes dans de l’eau tiède, et tout partira très facilement.

Verser le reste de l’eau, soit 450 g, dans le bol du robot équipé de la feuille.

Émietter la levure fraîche dans l’eau et faire tourner le robot 2 minutes à V1.

Ajouter le reste de la farine, soit 600 g.

Fraser à vitesse 1 pendant 1 minute, puis à vitesse 2 pendant une autre minute. La pâte se décolle facilement des parois du bol.

Retirer la feuille, rassembler la pâte à l’aide d’une corne, filmer au contact et laisser reposer 30 minutes (autolyse).

Ajouter la pâte gélatinisée en l’étalant bien sur la pâte autolysée.

Mélanger toujours avec la feuille à vitesse 1 pour commencer à l’incorporer.

Après 30 secondes, arrêter le robot, racler la feuille à l’aide d’une corne, rassembler la pâte et pétrir à vitesse 1.

Après 30 autres secondes, arrêter le robot, racler la feuille, rassembler la pâte et pétrir à vitesse 1.

Refaire cette opération encore 2 fois jusqu’à ce que la 2 pâtes soient bien amalgamées.

Cette phase de mélange de la pâte gélatinisée et de la pâte « normale » est très importante : il faut que les 2 pâtes soient intimement mêlées et qu’il ne subsiste pas « d’îlots » de pâte gélatinisée dans la pâte normale. C’est pourquoi il faut s’y reprendre à plusieurs fois avec la feuille car le crochet ne réalise pas bien cette opération.

Arrêter le robot et remplacer la feuille par le crochet pétrisseur. Pétrir 2 minutes à vitesse 1.

Arrêter le robot. Éparpiller le sel sur la pâte et verser toute l’huile en une seule fois.

Pétrir 6 minutes à vitesse 1 puis 3 minutes à vitesse 2.

La pâte ne se décolle pas complètement des parois, mais ceci n’a que peu d’importance car nous allons réaliser des rabats successifs puis un long temps de repos qui feront plus pour le réseau de gluten que le crochet pétrisseur.

Étirage / Soufflage

Fariner le plan de travail et y transférer la pâte. Replier la pâte sur elle-même, nord-sud puis est-ouest. Bouler en la faisant tourner sur le plan de travail.

Huiler un grand récipient en plastique et y transférer la pâte.

Mettre le couvercle et laisser reposer 2 heures à température ambiante en faisant un rabat (nord-sud et est-ouest) toutes les 30 minutes, en terminant par un rabat (il y a donc 4 autres rabats en plus de l’étirage / soufflage).

Replacer le couvercle hermétiquement après le dernier rabat et ranger au bas du réfrigérateur (entre 4 et 6°C) pour 18 à 24 heures.

Le jour J, huiler ou fariner généreusement le plan de travail. Je préfère fariner car l’huile a tendance à empêcher les soudures de se refermer.

Sortir la pâte du réfrigérateur.

Pesage

Les professionnels donnent pour une pizza « in teglia » (en plat) une quantité de 0,5 g de pâte par cm² de surface de plat. Par exemple, si j’utilise un plat de 40 x 30 cm, donc d’une surface de 1200 cm², il me faudra 600 g de pâte (1200 x 0,5).

Peser la pâte dans son récipient puis ôter le poids de la tare. La pâte pèse ici 1358 g

Préparer une balance avec un saladier bien fariné dessus.

Verser la pâte sur le plan de travail, et étirer la délicatement en un rectangle.

Procéder à la division et au pesage selon les indications ci-dessus. Ma lèchefrite fait 40 x 34 cm, j’ai donc besoin de 680 g de pâte.

Découper un premier pâton et le replier comme un baluchon avant de le poser sur la balance. Cela a pour effet de tendre sa « peau » et de lui redonner de la force. S’il faut ajouter du poids, le déposer sur le pâton déjà présent et l’embaluchonner dans ce dernier.

Finir de peser les autres pâtons selon la même méthode.

Note : on n’est pas obligé de réaliser les 2 pizzas le même jour. J’ai fait une première pizza le jour J et j’ai remis le second pâton de 680 g au réfrigérateur pour 48 heures de plus. Ça ne pose absolument aucun problème de laisser reposer un pâton 72 heures avec la farine utilisée.

Mise en forme

Étaler un peu le premier pâton en une forme oblongue, tirer les 2 extrémités et les croiser au dessus du balluchon. Refaire la même chose avec les 2 autres extrémités : cela permet de bouler le pâton en quelques sortes « à l’envers », sans l’écraser sur le plan de travail. Fermer la soudure du dessus : on se retrouve avec une forme en ballon de rugby. Enfin, tirer une des extrémités et la rabattre au 2/3. Appuyer du bout des doigts pour souder et finir d’enrouler le pâton sur lui-même pour achever l’opération « lissage-boulage ».

Laisser reposer, couvert d’un linge ou d’un plastique, jusqu’à ce que la pâte soit détendue et se manipule aisément, environ 3 à 4 heures, qui comprennent aussi le retour à la température ambiante.

Façonnage

Huiler le plat de cuisson de la pizza : ici j’utilise une lèchefrite du four.

On va maintenant façonner le pâton en forme rectangulaire. Fariner généreusement le plan de travail.

Retourner le pâton dessus : le dessus passe donc dessous.

Étaler délicatement le pâton en une forme rectangulaire avec les doigts à plat pour lui donner une forme proche de celle du plat. L’étirer sans trop le dégazer.

Si le pâton revient sur lui-même, il faut le laisser se détendre de 15 à 30 minutes couvert d’un plastique.

Une fois qu’il a une taille à peu près similaire à celle du moule, saisir le pâton par 1 coin et le basculer sur l’avant-bras gauche. Prendre l’autre extrémité, et secouer l’ensemble pour le débarrasser de la farine excédentaire.

Le transférer dans le plat de cuisson : le dessus revient à sa place.

L’étirer de tous les côtés pour qu’il s’ajuste au mieux à la taille du plat. Pour qu’il épouse bien les coins de la lèchefrite, on peut l’étirer au-dessus du bord du plat : il reprendra sa place tout seul.

Notre pizza romana est prête à être garnie. Dans ce même plat, on pourra aussi faire une « pizza bianca », c’est-à-dire sans garniture, une pizza « rossa », avec seulement des tomates pelées, une pizza « sandwich » (2 pâtes cuites l’une sur l’autre qui serviront de base pour un sandwich), une pizza farcie comme Gabriele Bonci ou une focaccia. Pour chacune de ces recettes, on utilisera 0,5 g de pâte par cm² de surface de plat, sauf pour la focaccia pour laquelle on choisira 1 g par cm². Pour chaque recette, il y aura donc des différences de quantité de pâte, mais aussi de temps d’apprêt et de garniture. Voir les articles consacrés à chacune de ces recettes pour les détails de réalisation.

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